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2 mai 2014 - Zoor - Paris / Chroniques

Zoor
Bertrand Denzler : saxophone ténor
Jean-Sébastien Mariage : guitare électrique
Antonin Gerbal : batterie

Rendez-vous contemporains - Eglise St-Merri - 76 rue de la Verrerie Paris - 20h30

C’est au Festival Météo que j’ai entendu ZOOR pour la première fois. Antonin Gerbal, au centre, poussait inlassablement le même roulement de caisse-claire, les yeux rivés sur Bertrand Denzler, à sa droite, dont le ténor striait l’espace de segments parallèles, et Jean-Sébastien Mariage, à sa gauche, aussi précis dans l’émission de ses traits qu’un maître calligraphe sur le papier de riz. Traits et segments, calligraphie… C’est bien dans le tracé des lignes et, plus précisément, de la ligne droite que le groupe venait d’inventer une forme nouvelle ou, du moins, de trouver une focale inédite ouverte sur la permanence. Quelques mois plus tard, de passage au Havre, le trio démontrait, dans les locaux de l’Association PiedNu, que cette constance n’affectait en rien l’évolution de son processus créatif. Le silence, zébré de griffures horizontales, longeait toujours la ligne récurrente des tambours, déchirée par les balafres du ténor et les brèches infligées par les accords d’une guitare plus incisive que jamais. L’esthétique initiale, telle qu’elle nous était apparue, conservait bel et bien son identité propre et, pourtant, l’ensemble dégageait une nouvelle énergie due, bien sûr, à l’intensité acquise au cours de quelques heures de pratique, mais également à la prolifération des occurrences sonores, accidents volontaires de plus en plus fréquents peuplant le spectre de séances inscrites dans la durée. Enfin, le 25 avril 2013, une ultime occasion nous était offerte d’apprécier en direct la progression du trio lors d’un concert donné aux Instants Chavirés de Montreuil et qui, enregistré de main de maître, figure la première moitié de cet album paru chez Umlaut Records.
D’emblée, les trois hommes imposent un style immédiatement reconnaissable. Linéarité du rythme, insistance du trait, exploration de l’espace par fragments successifs, interpénétration des trajectoires… Nous sommes bien ici devant une formation constituée qui a déposé le brevet d’une expression authentique. Parallèlement, assistons-nous au même concert que les fois précédentes ou les variantes repérées lors de la seconde prestation se sont-elles encore accentuées ? De fait, si le principe développé par Bertrand Denzler et ses acolytes participe bien de la même inspiration que le Quintet Hubbub, le Quatuor de Saxophones (deux formations auxquelles le ténor prête régulièrement son souffle) et quelques ensembles à jamais marqués par les préceptes du sérialisme et de l’Ecole de Vienne, le trio est déjà en train de s’en démarquer par l’acceptation de quelques attirances naturelles qui l’entraînent au loin, vers des contrées plus volubiles et charnues aussi bien métissées de free que de références ethniques. Ecoutez donc le sax dans cette longue mélopée déroulée sur la quasi totalité du second titre capté, pour sa part, à l’Atelier Polonceau de Paris, le 9 juin 2013 ! Doit-on pour autant craindre, à l’instar d’Antonin Gerbal lui-même, une perte d’identité, à peine affirmée l’originalité de l’ensemble ? Ce n’est certainement pas dans le mouvement qu’un collectif d’individus innovants risque de perdre sa personnalité, surtout lorsqu’il cultive, comme ici, une forme de beauté sensible indépendante des questions de style. La marque déposée de ZOOR, fondée sur le trait, la ligne, le segment, ne s’égare pas aussi aisément et creuse d’autant plus son sillon personnel qu’elle s’autorise quelques pas de côté sur les rives de l’expressionnisme et de la chaleur. Nous voici donc face à un album aussi exigeant qu’agréable, ancré dans l’intelligence et la réflexion, mais susceptible de glisser vers les zones d’un plaisir d’autant plus intense qu’inattendu. Entre rythmique hypnotique, guitare harcelant sans cesse le même motif et ténor soulignant la rectitude de phrases monosyllabiques où perce néanmoins l’émotion d’une expression immédiate, Antonin Gerbal, Jean-Sé Mariage et Bertrand Denzler explorent les régions méconnues d’un territoire à peine défriché par leurs contemporains et que leur désir de liberté pousse à visiter plus avant, coupant à travers champs pour une ballade sauvage aux multiples détours. Leur infidélité avouée à leur propre dogme nous permet ainsi de mieux le cerner et d’en apprécier davantage la rigueur lorsque, après s’en être échappés, ils se concentrent de nouveau sur la fixité radieuse de ses lois. En somme, la constante réitération du même système nous fascine d’autant plus que le risque est permanent d’en quitter le confort et la certitude pour déboucher à tout moment sur l’inconnu. - Joël Pagier, Improjazz, mars 2014

The tenor sax and electric guitar of longstanding Parisian improv ensemble Hubbub’s Bertrand Denzler and Jean-Sébastien Mariage are joined by the drums of Antonin Gerbal to make music that seems to work hard to keep itself in check. The trio create music that, over both tracks here, begins and ends on a neatly sustained plateau, a kind of constant state of anticipatory suspense that is determined to never resolve itself into anything more. The instruments are all played traditionally, with plucked strings, struck drums and vibrating reeds, but they are quickly brought to coalesce into level plains of held tones, repeated notes and pattering, almost insignificant percussion. This self-cancelling approach seems a deliberate and considered ploy to create music that has an unusual and refreshing if slightly frustrating character. Richard Pinnell, The Wire 362, April 2014

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